Le top 50 des influenceurs africains

Celebrity Services Africa, agence de référence en matière de marketing d’influence en Afrique du Sud, a présenté son Top 50 des influenceurs africains. Sous forme d’un rapport bi-annuel intitulé « On The Radar« , ce deuxième volume qui marque le second semestre 2017, comprend des jeunes et prometteurs talents africains dans le domaine de la musique, de la mode ou encore du sport. Si l’on salue l’effort de recherche de l’agence, on s’étonne tout de même du peu de représentation d’influenceurs d’Afrique de l’Ouest ou de l’Est, voire de l’absence d’influenceurs francophones. Vous pouvez tout de même consulter le documentici.

Découvrez le livre « Not African Enough »

Alors que le débat sur les origines du tissu wax continue d’enflammer les conversations, un livre a cependant retenu mon attention: « Not African Enough » (« Pas assez africain« ). Édité et distribué par The Collective Nest – un collectif de créatifs basé à Nairobi – ce livre qui continent des photos et des textes, explore la diversité de la mode au Kenya, que l’on ne saurait réduire à des imprimés. Le livre dénonce également une volonté (pas forcément consciente, mais bien maladroite) de vouloir confiner l’esthétique africaine au tissu wax, sans tenir compte des différentes influences des designers originaires du continent africain. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez lire cet article sur le livre ou vous le procurer en cliquant ici.

#BAAD2017: Mariage, Marketing digital et Tourisme en Afrique.

Si ce week-end, vous avez fait un tour du côté de la toile africaine (anglophone, notamment), vous avez forcément dû voir passer un hashtag: #BAAD2017. Qu’est-ce que c’est ? « Banky and Adesua 2017«

Il s’agit du hashtag lié au mariage de Banky Wellington et Adesua Etomi, probablement LEmariage nigérian de l’année, au vu de la couverture médiatique qui y est associée. Avant que l’on ne rentre dans trop de détails, je vais donner quelques éléments de contexte.

Banky Wellington est l’un des artistes de référence en matière de R&B au Nigeria. Il a enchaîné les tubes (« Lagos Party » notamment) en rentrant de ses études aux États-Unis dans les années 2000 et a fondé le label Empire Mates Entertainment (E.M.E). Producteur et personnalité généralement très appréciée dans l’industrie musicale nigériane, on lui doit surtout le fait d’avoir découvert et signé un artiste prometteur en 2010 portant le nom de…. Wizkid.

Quant à Adesua Etomi, il s’agit d’une des actrices les plus prometteuses du « New Hollywood » (la nouvelle scène, plus moderne et plus occidentalisée du cinéma nigérian). Elle a remporté plusieurs prix et a joué dans des séries à succès, notamment la web-série « Gidi Up » (où je l’ai personnellement découverte). Ses tenues sur le tapis rouge, en général très soignées, sont toujours très appréciées des médias et du public.

En 2016, Banky et Adesua (qui n’étaient qu’amis jusqu’alors), acceptent de jouer le rôle d’un couple sur le point de se marier dans « The Wedding Party« . Ce film, qui met en scène toute la folie qu’il y a dans l’organisation (et le déroulement) d’un mariage nigérian, va être un véritable succès en salles (appuyé par un casting de pointe et une campagne marketing bien léchée).

Réalisé par Kemi Adetiba (une des réalisatrices de clip les plus en vogue du pays) et produit par Mo Abudu (surnommée la Oprah Winfrey nigériane et propriétaire de la chaîne de divertissement EbonyLife TV), « The Wedding Party » est aujourd’hui un des 3 films qui aient fait le plus d’entrée en salles dans toute l’histoire du cinéma nigérian, avec des recettes avoisinant 1,5 million de dollars (source). Le film est depuis disponible sur Netflix.

Revenons à Banky et Adesua. Les blogs n’ont pas tardé – comme c’est le cas avec la plupart des films où deux stars jouent les amoureux – à poster des articles insinuant qu’une histoire d’amour existerait entre les deux célébrités. Ces deux dernières ont nié, ou du moins, n’ont jamais commenté l’information. Mais c’était jusqu’à ce jour de mai 2017 où Banky W. a dévoilé via Instagram une photo de sa demande de fiançailles, datant de février de la même année.

 

Ne sachant pas s’il s’agissait ou non d’un coup de promo pour la sortie du deuxième volet du film, l’information a mis un peu de temps à se répandre. Mais une fois l’information confirmée, l’information s’est répandue comme une trainée de poudre sur la toile. Les célébrités au courant de l’histoire depuis plusieurs mois ont corroboré les faits, chacun ajoutant une petite anecdote. Techniquement, on peut dire que le phénomène #BAAD2017 a commencé à ce moment-là.

Autre élément contextuel à prendre en compte: le célibat de Banky W a longtemps été un sujet populaire sur la toile et dans la presse. Perçu comme le « gendre idéal », le fait qu’il dépasse la trentaine sans être marié lui a souvent valu d’être taquiné, voire raillé sur les réseaux sociaux. Il écrira même, à l’époque, un article expliquant qu’il ne souhaitait pas se précipiter tant qu’il n’avait pas trouvé « la bonne ». Autant dire que tout ça a rendu le public curieux de savoir qui serait l’heureuse élue.

Je vais maintenant énumérer trois points qui ont, selon moi, participé à faire de #BAAD2017 un buzz viral.

1 – La « Marriage Mania »:

Maintenant que vous avez le contexte dans les grandes lignes, il faut zoomer sur la culture locale et l’opinion publique. À l’ère où les mariages sont de plus en plus entachés par des scandales (notamment au Nigeria où de nombreuses célébrités ont fait état de violences et infidélités dans leur couple ces deux dernières années), l’union de Banky et Adesua est une bouffée d’oxygène. Le mariage au Nigeria représente une industrie dont la valeur est estimée en centaine de millions de dollars. Salons de professionnels, décorateurs, maquilleuses spécialisées, médias dédiés, vendeurs de tissus (les fameux « Aso Ebi« ), séries télévisées (Before 30, Skinny Girl in Transit…), films (Isoken)… le mariage est une véritable machine à cashqui alimente la culture (et l’économie) du pays. Dans ce contexte où cet événement est un point culminant dans la vie d’une famille, voire d’une communauté entière, les choses prennent très vite de l’ampleur. Dans le cas qui nous intéresse ici, Banky et Adesua sont tous les deux beaux, jeunes, fortunés, connus et célibataires. Cela augure donc un mariage en grandes pompes, que tout le monde voudra suivre.

2 – Le Story Telling:

Un couple qui joue les amoureux dans un film… et finit par tomber réellement amoureux: quand la fiction devient réalité. On est ici en plein « conte de fées » au sens le plus basique du terme, avec le prince qui attendait sa princesse, puis (coup de théâtre) survit à un cancer à quelques semaines de son mariage (à lire ici). De l’amour, du drame et un « happy ending ». Ça ressemble à la trame d’un film de Nollywood, et pourtant c’est bien réel… avec les spectateurs qui non seulement assistent mais participent à la trame, à travers les réseaux sociaux et les blogs.

3 – L’apport des stars et influenceurs:

Vous le savez, les mariages à l’africaine sont (généralement) en trois grandes parties: les fiançailles, le mariage traditionnel et enfin, le mariage religieux (encore appelé « White Wedding« ). À travers les réseaux sociaux, et parce qu’ils sont tous les deux des célébrités, les moindres festivités liées au mariage du couple ont été soigneusement relayées en ligne via les comptes de leurs amis influenceurs, créant encore plus d’attente et d’excitation autour de la cérémonie (des rumeurs de vente illégale de cartons d’invitation ont même circulé sur la toile, c’est dire).

Lors de la cérémonie de mariage traditionnel qui a eu lieu le 19 novembre 2017, c’est la tenue d’un des garçons d’honneur, l’animateur TV Ebuka Obi, qui va littéralement envahir l’internet nigérian. Son boubou (appelé « Agbada » au Nigeria), conçu par le créateur nigérian Ugo Monye,  va épater tout le monde, au point de quasiment éclipser le marié.

Démontrant encore une fois la puissance des réseaux sociaux, l’Agbada d’Ebuka apportera une visibilité sans précédent au styliste, qui gagnera plus de 50.000 abonnés ainsi qu’un nombre important de parutions dans les médias, une semaine seulement après la publication de la photo de son client, faisant de cette tenue un des buzz viraux de cette fin d’année au Nigeria. On imagine à peine le nombre de commandes que le jeune créateur a pu recevoir, spécialement pour les fêtes.

Pour résumer: deux stars avec une image professionnelle et appréciée par le public, une histoire romantique, une culture très forte du mariage, des réseaux sociaux en effervescence, des célébrités comme relais (et la suite d’un film à succès en préparation)…. Tous les éléments étaient réunis pour faire de la cérémonie de mariage un événement public à la fois offline mais aussi, online. En effet, avec (à l’heure où j’écris) plus de 85.000 mentions sur Instagram et plus de 10 millions d’impressions sur Twitter (selon Tweet Binder)#BAAD2017 a clairement capté l’attention des internautes… et les sponsors ne s’y sont pas trompés.

Coca ColaCiroc (deux marques de boissons dont Banky a été ambassadeur) et Guinness entre autres ont contribué à la cérémonie traditionnelle par des dotations pour le buffet des invités. Mais c’est surtout l’Office du Tourisme d’Afrique du Sud qui a tiré son épingle du jeu, en sponsorisant le mariage religieux.

Dans la tradition des « grands » mariages nigérians, en général, la cérémonie traditionnelle a lieu au Nigeria, et la cérémonie religieuse à l’étranger. Pour cela, les célébrités et classes aisées du Nigeria vont généralement à Dubaï (mariage de Tiwa Savage ou encore du chanteur 2Face Idibia), en Grèce (mariage de l’animatrice nigériane Stephanie Coker), dans les Caraïbes ou encore, en Afrique du Sud.

Depuis environ deux ans que j’effectue de la veille sur les politiques de promotion des destinations africaines sur le web par les états, les seuls pays du continent qui m’ont semblé les plus efficaces sur le sujet sont (sans surprise) le Kenya, l’Île Maurice, l‘Afrique du Sud, le Maroc et aussi, la Tunisie (on pourrait également citer le Rwanda, qui commence légèrement à s’y mettre de manière pertinente). Ces différents pays, on le sait, ont fait du tourisme une priorité sur le plan économique et les devises générées ont un poids clair sur le PIB national. En ce sens, organiser des opérations de communication avec des influenceurs africains (blogueurs, stars, sportifs…) fait partie intégrante de leur stratégie de communication globale.

Dans le cas spécifique de l’Afrique du Sud, l’organisme en charge du tourisme, que je suis depuis un moment déjà, fait régulièrement venir des célébrités ghanéennes ou des blogueuses nigérianes sur place, afin de leur faire découvrir la culture et les paysages sud-africains via #MySAExperience. Ce hashtag, qui cumule aujourd’hui 5600 mentions, sert de point de ralliement d’un contenu touristique qui sort des sempiternels prospectus. Il y a de la diversité dans les activités, le contenu est « user-generated » comme on dit, donc plus naturel et spontané qu’un énième spot publicitaire désuet. Cela permet de mieux se projeter dans la perspective d’un voyage. Par ailleurs, inviter des influenceurs des pays-clés pour le tourisme sud-africain (la middle class d’Afrique anglophone) est l’occasion de faire de la promotion ciblée à moindres coûts.

Pour le mariage nigérian de l’année donc, Travel To SA a offert de participer à la cérémonie (d’après mes informations) en couvrant les frais d’hébergement, les repas et des excursions touristiques précédant le mariage… et ce, aussi bien pour le couple que pour ses invités (famille, filles et garçons d’honneur). Par ailleurs, Travel  To SA a également invité un journaliste du célèbre blog nigérian Bella Naija, une représentante du magazine féminin nigérian Geneviève ainsi que la youtubeuse nigériane Sissi Yemmie (90.000 abonnés Youtube et 75.000 followers Instagram), qui a déjà eu à réaliser plusieurs vlogs en partenariat avec l’institution touristique sud-africaine.

Vous l’aurez compris, non seulement cela a permis au mariage d’être continuellement alimenté sur Instagram et Twitter mais grâce à la présence de Yemmie (qui a posté quasi quotidiennement entre son départ du Nigéria et son séjour à Cape Town), on a pu suivre chaque moment et parallèlement, consommé du contenu promouvant l’Afrique du Sud. Point culminant: la jeune Youtubeuse a même relayé la soirée du mariage en direct sur Instagram, puis sur Youtube, où sa vidéo de l’entrée des mariés (postée en direct) a généré près de 20.000 vues en 3 heures et une augmentation significative de son nombre d’abonnés.

Et enfin, toujours en termes d’audiences en ligne, Taiwo Kola-Ogunlade (Responsable de la Communication de Google West Africa) a fait savoir que les photos du mariage traditionnel de Banky W et Adesua Etomi étaient numéro un dans les requêtes de Google Nigeria tout au long de la semaine du 19 au 25 novembre 2017 (source).

Que faut-il retenir de tout cela ? Plusieurs choses. Mon observation est la suivante: en Afrique francophone, la fusion entre Pop Culture et Marketing est encore extrêmement timide. On peut expliquer cela par l’héritage colonial français et sa tendance à vouloir toujours dissocier les deux (le fameux débat de l’art VS le commerce). On peut également expliquer cela par le manque de poids de notre culture people. Un manque de poids (sur le plan de la taille), mais aussi, sur la qualité. Nos célébrités francophones (pour la grande majorité) ne font pas attention à leur image, soit par négligence, soit parce qu’ils ne savent pas comment capitaliser dessus. Or, je l’ai mentionné plus haut, c’est la dimension « Conte de fées moderne » qui a créé le terreau idéal pour en faire un mariage 3.0 auquel les marques nigérianes et l’office du tourisme sud-africain étaient heureux de s’associer. Cette dimension n’a été possible que grâce au capital sympathie des époux d’une part, et à la fine orchestration de la communication autour de l’événement… et bien sûr, l’existence d’un star system qui arrive à maturité d’autre part. Bien sûr, des buzz de la taille de #BAAD2017, sur la durée comme dans le volume de contenu créé, il n’y en a pas tous les jours. Même au Nigeria. Mais il est essentiel que les marques (d’Afrique francophone) cessent d’être dans une posture d’attente. Les contenus viraux ne viendront pas toujours vers eux, et ne seront pas toujours créés par eux. Parfois d’ailleurs, le temps qu’ils puissent surfer dessus, l’effervescence est déjà retombée.

Mes conseils: pour être une marque au coeur de la vie de ses consommateurs, notamment sur une cible jeune et urbaine, il est vital de faire de la veille, d’anticiper sur les tendances, de se placer dans la conversation. Cela demande d’avoir une équipe digitale qui soit à la fois force de proposition mais aussi, bien infiltrée dans les différentes communautés du web, afin de voir la vague arriver au lieu de réfléchir à comment la naviguer une fois qu’elle est passée.

Quant aux offices de tourisme d’Afrique francophone, que dire ? Notre agence a réalisé un audit en ce sens courant juillet 2017, et force est de constater qu’on doit faire avec des sites web vieillissant, avec des informations peu pertinentes ou pas mises à jour. Quand il y a une présence en ligne, le contenu est généralement très peu dynamique, peu dans le contributif (reprise de contenus postés par des touristes), peu (voire pas du tout) de contenu vidéo, une présence anecdotique (quand il y en a une) sur Instagram (pourtant réseau social du tourisme par excellence). Je ne parle donc pas de Youtube, où très souvent les contenus les plus pertinents sont postés par des anonymes de passage dans le pays. Quant aux opérations Influenceurs, je salue l’initiative de la ville sénégalaise de Saint Louis avec son Forum de Saint Louis, et le Bénin qui a réalisé une opération en ce sens cette année, mais dans l’ensemble, on reste vraiment en deçà ce que l’on pourrait faire pour redorer le blason de nos villes africaines sur la toile. Plusieurs initiatives privées existent en ce sens, mais encore une fois, les offices du tourisme devraient faire leur travail de manière plus suivie ou du moins, s’appuyer sur des professionnels dont c’est le métier. La clé pour convertir des consommateurs de contenu touristique en touristes passe non seulement par une communication sur les canaux traditionnels ou par la présence à des salons, mais aussi par la curation et la consistence de ce que l’on poste en ligne.

Quoi qu’il en soit, pour finir, concernant #BAAD2017, j’aurais suggéré que le couple revende les droits de la captation du mariage (de la préparation à la cérémonie) à la chaîne EbonyLife TV. Tout d’abord parce que ce contenu correspond à la chaîne (contenu nigérian Lifestyle et Premium), et aussi parce que cette chaîne est liée à l’histoire du couple (cf. le film The Wedding Party). Cela aurait pu représenter une source de monétisation intéressante pour le couple. Autre possibilité : vendre les droits des premières photos officielles du couple à un magazine (Genevieve, This Day…). On pourrait imaginer autre chose encore mais n’oublions pas l’essentiel: avant tout, il s’agit de l’union d’un homme et d’une femme. On leur souhaite donc le meilleur pour cette nouvelle vie à deux qui démarre !

Par ailleurs, le deuxième volet du film The Wedding Party (tourné en partenariat avec l’office du Tourisme de Dubaï, encore une autre opération de communication touristique) sort le mois prochain. Est-ce que tout le buzz autour de #BAAD2017 se traduira en buzz dans les salles de ciné ? Je garde un oeil dessus et vous en parlerai probablement en 2018.

N’oubliez pas de vous abonner à la newsletter de notre agence, afin de recevoir notre sélection des news et analyses sur le business du divertissement et du Lifestyle en Afrique.

Paola.